On peut se féliciter que Marine Le Pen n’ait pas accédé à la tête du pays, que son score tant au premier qu’au second tour ait été inférieur aux « espoirs » désespérants du Front national. Il n’en demeure pas moins que, de scrutin en scrutin, l’extrême-droite augmente le nombre de ses voix. Ce parti, peu ou prou fasciste, récolte 11 millions de suffrages, signe que nous n’avons gagné qu’un sursis contre la barbarie. Pour inverser la tendance, il faut radicalement transformer le sens de notre société. Plus de pain et de justice sociale, certes, mais surtout plus de démocratie, plus de place à la parole d’en bas… En bref, que le pouvoir soit rendu à celles et ceux qui créent les richesses.

Les institutions de la 5ème République sont à bout de souffle. L’élection du président de la République au suffrage universel a montré toutes ses limites avec ce deuxième tour mettant en scène deux candidats qui n’ont rassemblé ensemble qu’une minorité des inscrits et des exprimés du premier tour. Une élection qui a vu un candidat porté à la tête du premier tour, puis à la présidence, non pour son programme, ni même sa personnalité ou son image, mais comme le moins mauvais des bulletins « utiles » susceptible d’empêcher le Front national ou la droite de gagner, « un choix par défaut pour 43% de ses électeurs » selon un sondage Ipsos/Sopra Steria du 8 mai 2017. Nous sommes bien loin d’un véritable choix bâti sur des enjeux de programmes politiques.

Et pourtant, cette campagne a montré qu’il y a un intérêt, un désir de politique. Derrière les affaires de costumes, de «fakenews », d’images « people », on a vu près de 20 millions de personnes suivre les débats télévisés, des centaines de milliers descendre sur les places publiques, dans les meetings et rassemblements, des millions s’informer et échanger sur les réseaux sociaux. Désir de renouvellement aussi avec la mise à mal des partis traditionnels de gouvernement LR et PS qui se sont succédés dans des alternances sans alternative. Comment ne pas noter que cette (re)politisation peut parfois motiver un refus des formes de la participation institutionnelle ou l’absence de cadres nouveaux de référence et d’action collective ainsi qu’en attestent le niveau record des 4 millions de bulletins blancs ou nuls représentant 12% des votants ? Comment ne pas noter que 34% des 18-24 ans et 40% des 25-35 ans se sont abstenus ? Et c’est aussi le cas de plus de 30% des ouvriers et employés, de 35% des chômeurs et de 34% des moins de 1250€ mensuels.

Peut-on espérer que les enjeux démocratiques et sociaux soient plus présents dans la campagne législative ? Nous entendons bien y contribuer car si l’on veut mobiliser la société, il faut remettre au centre du débat les droits sociaux et politiques : droit au travail et à une vie décente, extension des pouvoirs de contrôle des travailleurs, propriété sociale sous gestion des salariés, droits des étrangers à commencer par le droit de vote, moyens matériels pour l’exercice de la citoyenneté dans l’entreprise, les quartiers et les établissements scolaires.

Le libéralisme féconde la bête immonde. La perspective autogestionnaire est celle qui doit féconder une société solidaire, fraternelle, humaine.

La lettre du mois de mai