L’accord international de Paris sur le climat obtenu obtenu le 12 décembre 2015 dans le cadre de la COP21 nous laisse sur notre faim.

Pour obtenir l’accord des pays menacés par la montée des eaux, l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5° a été retenu en lieu et place de 2°. Inversement pour obtenir l’accord des gros pays, en particulier des États-Unis, cet accord, à l’inverse du protocole de Kyoto, n’est aucunement contraignant juridiquement. Dans ce cadre, chaque État est libre de fixer ses objectifs et ses engagements. À ce jour, les engagements pris nous placent sur une trajectoire d’augmentation de 3° à la fin du siècle. De même, le financement annuel de 100 milliards de dollars pour adapter les économies des pays en voie de développement à la transition énergétique est très loin d’être bouclé. Enfin, les émissions relatives au transports aérien et maritime ne sont nullement contingentées.


C’est donc a priori un bilan extrêmement maigre que l’on peut tirer. Cependant, cet accord a un intérêt : il place les États face à leurs responsabilités et les citoyen-nes de chaque pays disposeront désormais d’un cadre légal pour justifier leurs actions contre le réchauffement climatique.

On doit se rappeler que les luttes contre les méfaits du mode de vie industriel, l’appropriation et l’exploitation de l’environnement ne datent pas d’hier. Elles ont impliqué des groupes sociaux très divers (paysans, propriétaires terriens, intellectuels et scientifiques) depuis plus de deux siècles.

L’industrialisation de la production se heurte à des bris de machine en Angleterre et en France dès 1780, et jusque dans les années 1830, bien après le conflit de grande ampleur des luddites. Selon les historiens, il ne s’agit pas de freiner l’innovation mais de défendre une production de meilleure qualité, plus économe, et plus flexible.

Fin XIXe siècle en Angleterre, de nombreuses associations mènent des campagnes actives contre la pollution de l’air (à Manchester la luminosité est divisée par deux!) et obtiennent parfois des lois, qui n’ont finalement que peu d’effets. On se rebelle aussi dans les colonies, comme en Inde, où les habitants s’opposent violemment à l’exploitation forestière.

En Suisse, le développement de l’automobile est repoussé au début du XXe par une dizaine de référendums, pour des motifs économiques (coût accru de la maintenance des routes, concurrence avec le rail). En 1994 le conseil fédéral s’oppose au développement du trafic poids lourds, mais se fait rappeler à l’ordre par Bruxelles, qui obtient une augmentation du trafic.

Aujourd’hui, les mobilisations populaires continuent sur le terrain, depuis l’avenue de la Grande-Armée à Paris le 12 décembre jusqu’à Nantes ce 9 janvier contre le projet d’aéroport Notre-dame des Landes. Ces prochains mois, elles vont se poursuivre notamment contre l’exploitation des énergies fossiles. Parallèlement, de nombreuses initiatives citoyennes émergent, ici pour réduire la consommation énergétique, là pour créer des énergies renouvelables. De nombreux groupes de citoyens se forment spontanément pour déclarer un territoire « en transition » et l’engager dans une dynamique positive pour le climat. De nouvelles façons de travailler émergent, dans lesquelles les salariés sont au poste de commande et se soucient largement plus de l’impact écologique de leur production que des actionnaires avides de dividendes. D’autres s’engagent dans des innovations techniques frugales et libres de droits.

Il existe donc aujourd’hui un engouement populaire croissant pour la protection du climat, de la planète et de sa biosphère, comme le montrent les succès d’Alternatiba en France depuis 2013. À l’inverse des multinationales, plus avides de valorisations boursières que de protection du climat, c’est la mobilisation, l’auto-organisation des citoyennes et des citoyens qui permettra de conjurer le terrible compte à rebours qui est lancé. De ce point de vue, l’accord de Paris n’est pas un obstacle et il est largement préférable à un échec.

La lettre du mois de janvier