Le terrain en fut préparé, la chronique était annoncée (notre édito de septembre), c’est désormais officiel : un vieux code agonise, victime de sa « rigidité », de sa « complexité », voire de son caractère anxiogène. Un nouveau est à naître, dont la simplicité ouvrira (enfin !) la voie à l’embauche en toute sérénité dans une société moderne pleine de compromis social et de négociation. Adieu le XXe siècle, bonjour le XXIe !

Combrexelle – principal responsable de la réécriture du code en 2008 (et qui critique donc implicitement son œuvre) – l’a préparé dans son rapport, le gouvernement le suit pour l’essentiel. La gestation durera environ deux ans, mais d’ici là les réformes se poursuivront : sur le temps de travail (2016), l’économie numérique (Macron 2).  Pour le nouveau code, plus de « souplesse » et un poids plus important accordé à la négociation collective, avec quelques garanties nationales qui resteront : durée légale du travail, salaire minimum. De quoi s’attirer les foudres de la droite et du MEDEF, ce qui permet au gouvernement de s’autoriser une posture « de gauche ». Mais ne doutons pas que ces quelques grands principes finiront par être l’exception, si les dérogations sont (comme c’est déjà le cas dans certaines matières) autorisées mais seront de plus en plus renvoyées non plus à la loi mais aux « partenaires sociaux ». Car si l’on ne peut accuser ce gouvernement d’avoir inauguré le processus de l’inversion de la hiérarchie des normes, loin de rompre avec l’ancienne politique, il continue le travail avec opiniâtreté. Loin de la modernité, c’est un retour aux principes du code civil du XIX° siècle : la loi n’est que rarement impérative, elle est supplétive c’est-à-dire ne s’applique que dans le silence du contrat.

En finir avec la culture de l’affrontement pour affirmer celle du compromis (dixit notre ministre du travail), comme si l’initiative de l’affrontement ne venait pas de tous ceux qui ont compliqué à l’infini non seulement les droits, mais surtout la vie du monde du travail.

Du point de vue de la démocratie sociale, il est vrai que la précarité est un frein à l’investissement des salariés dans la vie de l’entreprise, dans la vie syndicale, dans l’action collective. La précarité est-elle due à un code complexe qui empêcherait les entreprises, surtout les petites, d’embaucher ? La réalité bouscule cette certitude : l’utilisation des CDD et de l’intérim est plus importante dans les grandes entreprises, pourtant dotées de services juridiques, que dans le TPE et PME qui embauchent proportionnellement plus de CDI ! Et en l’absence de garantie d’emploi, le CDI n’est pas un bouclier contre la précarité, en attestent les centaines de milliers de licenciements annuels.

Si on ne peut défendre le terrain acquis, on ne peut aller vers de nouvelles conquêtes.

La campagne qui vient de commencer par l’appel « pour un droit du travail protecteur des salariés » à l’initiative de l’intersyndicale du ministère du travail et de la Fondation Copernic ouvre des perspectives. Non qu’il s’agisse de défendre le code tel qu’il est aujourd’hui, mais d’abord de préserver ce qui a survécu comme dispositions des reculs et défaites des dernières années. Ces dispositions doivent être défendues car elles permettront de rebondir. Il faudra dans le même temps évoquer les possibles : réduire le temps de travail légal et l’appliquer (on est loin des 35 heures dans la réalité et c’est pourtant la loi) pour travailler toutes et tous, et avoir du temps pour exercer sa citoyenneté ; donner un cadre juridique protecteur aux « nouveaux » métiers de l’économie numérique exclus du droit du travail et dont le projet Macron 2 prévoit l’extension ; abroger les mesures prises ces dernières années limitant les moyens et prérogatives des Comités d’entreprises et autres institutions représentatives ; étendre les droits des travailleuses et travailleurs en matière d’information, de propositions, de veto, de préemption. La est la clarté, la simplicité !

L’enjeu est de taille, ce sont deux visions, deux projets de société qui s’affrontent. D’un côté ceux qui veulent au nom de la « libération du travail », déréglementer pour en revenir en réalité à un droit du XIX° siècle dans un univers technologique nouveau et mondialisé ou libérer véritablement les travailleurs librement associés de la subordination juridique et économique au capital.

L’Encyclopédie internationale de l’autogestion APA/Syllepse au travers de ses nombreux articles et exemples tant historiques qu’actuels, hexagonaux ou internationaux montre une série de possibles dont beaucoup à revendiquer dès maintenant sans attendre des lendemains qui chantent.

La lettre du mois de novembre