La semaine dernière aura été riche d’enseignements sur l’état de notre démocratie et le pouvoir de l’argent. Devant l’impasse des négociations sur le plan d’aide à la Grèce pour faire face à ses échéances de remboursement, le gouvernement grec annonce samedi 27 juin qu’il consulte la population par référendum pour savoir s’il doit accepter les offres des européens ou pas. Immédiatement, Alexis Tsipras est voué aux gémonies. Vous rendez-vous compte ? Il n’a prévenu ses amis Jean-Claude Juncker, François Hollande et Angela Merkel que quelques minutes avant son annonce ! Irresponsable, ce Tsipras ! Consultez le peuple pour une décision qui le concerne, ce n’est vraiment pas sérieux. Son prédécesseur Papandreou l’avait envisagé en novembre 2011. Il s’était vite fait remonter les bretelles et ce référendum n’a jamais eu lieu. Il est vrai que pour reprendre l’expression condescendante de Christine Lagarde, présidente du FMI, il y avait à l’époque « des adultes dans la salle ». « Condescendant », « donneur de leçons », voilà ce que les énarques de Bruxelles disent du ministre des finances grec ! On croit rêver, alors que ce sont eux – et leurs porte-paroles-  qui ne cessent de donner des leçons d’économie sur tous les écrans depuis des années, avec les résultats qu’on connaît !  Et ces « professeurs » d’endosser le costume de procureur à l’encontre de Tsipras, et au travers lui du peuple grec, au Parlement européen ce mercredi, obligés qu’ils étaient de dévoiler ce qu’ils aiment le plus : les négociations secrètes.


Une fois ce référendum annoncé et programmé, les mêmes ont voulu en changer la signification. C’est vrai que face aux grands enfants que nous sommes tous, il nous faut des explications. On vous pose une question : « Acceptez-vous le projet d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l’Eurogroupe du 25 juin 2015 et composé de deux parties, qui constitue leur proposition unifiée ? ». Mais ce ne serait pas la bonne… La seule vraie serait « Voulez-vous sortir de l’euro ? ». Comme si aucune autre négociation ne pouvait avoir lieu, comme si les états européens allaient tout simplement s’asseoir sur une dette de 177 milliards d’euros… Il faudra un jour arrêter de prendre les électeurs pour des jambons !

On promettait mille malheurs à la Grèce si celle ne votait pas comme il fallait. Et bien, elle a très mal voté. Pas par un petit 51 % ric-rac, mais par un 61 % bien massif. En clair une grande majorité du peuple grec en a assez des bonimenteurs, des politiques débiles qui ne font qu’accroître son malheur. La peur n’a pas gagné, car le peuple grec a forgé au cours des dernières années des solutions collectives, des pratiques autogestionnaires qui prouvent qu’en dehors du « oui » à l’Europe libérale une autre Europe est possible ! Une nouvelle configuration s’ouvre désormais : un peuple endetté mais plus digne que jamais face au pouvoir de l’argent. Avec en ombres chinoises une menace : si tu ne payes pas ta dette, tu devras émettre ta monnaie de singe et perdre du pouvoir d’achat. Au moins, on voit clairement aujourd’hui qui menace l’Europe et fait resurgir les nationalismes.

Cette même configuration démocratie contre pouvoir de l’argent est en train de resurgir sur le détroit de Calais avec ce conflit SeaFrance qui rebondit et risque de rythmer notre été. Qu’on se souvienne. En 2011, les marins de SeaFrance refusaient la liquidation de leur entreprise et proposaient la reprise en SCOP avec maintien de la totalité des emplois et transfert des navires à une structure semi-publique. Personne, Sarkozy en tête, n’a voulu de cette solution. Au final, il y a bien eu une SCOP, mais celle-ci est devenue sous-traitante exclusive d’EuroTunnel qui a acheté les navires. Victime d’un harcèlement juridique permanent de la part de la Competitive & Market Authority britannique, probablement sur incitation de ses concurrents, EuroTunnel décide de jeter l’éponge et de vendre les navires. DFDS, le concurrent low-cost qui n’emploie pas de marins français (hormis dans l’encadrement) se porte acquéreur des navires. La SCOP EuroTunnel n’a plus de client et l’emploi de 600 personnes est menacé. Le Syndicat Maritime Nord, ex-CFDT et parfois décrié pour ses « méthodes », est et reste, quoiqu’on en dise, majoritaire parmi le personnel. Il a juré que DFDS aura le plus grand mal à récupérer les navires achetés s’il n’y a pas de garantie sur l’emploi. La saison risque, là aussi, d’être chaude.

Deux cas qui n’ont a priori rien à voir l’un avec l’autre. Et pourtant, dans ces deux cas, un droit de propriété qui ringardise et réduit à néant la démocratie. Espérons que cet été les pouvoirs de l’argent enregistreront de nouveaux reculs pour que la démocratie et l’autogestion puissent demain se développer.

La lettre du mois de juillet