Dans le très grand marigot de l’Europe et des Etats-Unis, il y a là d’énormes crocodiles — Alstom, Siemens et General Electric — qui se guettent avec appétit : ils sont impressionnants et ont revêtu leur plus belle tenue d’enfants innocents. Sur la berge, les habitants regardent avec effroi le spectacle. Dans la tribune des personnalités, on trouve quelques autres alligators et gavials, comme Areva par exemple, qui voudraient bien prendre un peu d’eau. Il y a aussi des économistes qui supputent et pronostiquent la suite de cette bataille de caïmans à ciel ouvert et la plupart des journalistes du marché qui racontent, racontent, racontent. Sur le marigot, dans une barque qui prend l’eau, il y a Montebourg en personne qui pleure des larmes de crocodile et Valls et Hollande qui sont cachés derrière un rideau.

Qui va les croquer ?

Les spectateurs sont tétanisés et ne savent pas qui va les croquer. Le monde entier est attentif car l’enjeu est colossal pour les travailleurs de ces trois industriels, pour les consommateurs d’énergies, c’est-à-dire vous et moi, et aussi pour tous les citoyens de France, d’Europe et peut être d’ailleurs. Il y va de l’avenir de tout le continent mais personne n’ose le dire et personne ne donne la parole aux travailleurs, ni aux consommateurs et encore moins aux citoyens.

Voilà ce qui nous arrive et c’est un spectacle édifiant sur la réalité de ce monde. On a dit, avec raison, pis que pendre sur les capitalistes financiers qui avaient cassé la baraque il y a sept ans et du coup, on avait remisé les capitalistes industriels aux rayons des farces et attrapes comme de gentils joueurs de seconde division. Cette affaire les ramène sous les projecteurs à coup de dizaine de milliards d’Euros. Tout compte fait, ils ne sont pas très beaux non plus.

Résumons les affaires : des dizaines de milliers de salariés en France et en Allemagne et le double aux Etats-Unis ; la politique industrielle énergétique de toute l’Europe est en jeu. Montebourg a pleuré devant l’assemblée nationale parce que le patron d’Alstom lui aurait menti. Il s’était pris à croire ces crocodiles mais cette fois, c’est bien fini il n’y croira plus.

Qui doit trancher entre Siemens et Général Électrique ?

Trêve de crocodiles et de grands fauves c’est aux producteurs, aux consommateurs et aux citoyens de définir la politique énergétique dont ils ont besoin. Un vrai débat doit être mis en place en France et dans toute l’Europe qui prenne en charge tous les aspects de cette affaire et pas seulement les profits des uns ou des autres.

À l’heure où les questions écologiques viennent au premier plan, peut-on laisser les salariés d’Alstom, les consommateurs d’énergie d’Europe et du monde et les citoyens à la remorque de Siemens ou de General Electric. La réponse est dans la question.

À l’heure des élections européennes, cette fusion-acquisition peut-elle se régler entre un gigantesque groupe américain et un groupe allemand pour savoir lequel croquera Alstom, ses salariés, ses consommateurs et l’ensemble des citoyens du monde qui consomment de l’énergie c’est à dire, je le répète, vous et moi.

Quid du débat sur le traité TAFTA (GMT) qui impactera directement l’avenir d’Alstom ?
On n’ose imaginer ce qu’il en sera avec la (future ?) signature de ce traité ?
Nous vivons en spectateurs les mégas fusions dans les médicaments, le téléphone et les ciments, et bien d’autres encore. Il est temps de prendre en charge l’avenir de tous ces secteurs. Ils sont à exproprier et à socialiser dans le cadre d’un plan industriel débattu par tous. C’est un minimum démocratique, parole de partisanne de l’autogestion !

La lettre du mois de mai