Au-delà du cas d’un individu pris la main dans le sac de la fraude et du mensonge l’affaire Cahuzac est révélatrice d’un système. C’est bien pour cette raison que « la classe politique », qui s’apparente de plus en plus à une oligarchie, peut craindre le déferlement d’un torrent de boue dévastateur.

Cette affaire est le symbole et le symptôme d’une société dans laquelle tout continue à devenir marchandise et recherche de profit sans souci de son utilisation et de son utilité. Y compris pour une certaine gauche qui a renoncé à la transformation sociale et s’est convertie au libéralisme (fut-il déclaré « social »). C’est dans les années 1980, en passant au pouvoir, qu’elle a pris goût « pour de bon » aux vertus de « l’entreprise ». Depuis plusieurs décennies, ce n’est plus; de fait, l’expérience militante qui compte pour accéder aux responsabilités politiques mais le passage dans les grandes écoles.

Avec les privatisations et l’abandon progressif du service public l’État forme dans ces grandes écoles, aux frais du contribuable d’ailleurs, des « managers » et des dirigeants, qui vont faire le choix du privé plus lucratif et rémunérateur. Dans les entreprises et les services publics ils apportent les méthodes et les objectifs du privé. La fusion entre les affaires et la politique, caractéristique de la droite, s’est bien ancrée à gauche. C’est une banalité de le dire.

Cahuzac c’est UN parmi bien d’autres qui ont fait des choix par ambition personnelle et par souci de carrière en se faisant des amis partout : à droite jusque l’extrême extrême et à gauche. Et c’est la le symptôme de la décomposition même de « l’esprit public » car c’est bien en connaissance de cause de leur position sociale et de leurs valeurs (idéologiques et pécuniaires) que ces énarques et hommes d’affaires, sont recrutés pour exercer les responsabilités politiques. Ainsi le trésorier de la campagne présidentielle de Hollande ne se cachait pas d’être un homme d’affaires, et son choix comme tel par le futur président était dès lors significatif.

Ce ne sont pas les mesures de « transparence », aussi nécessaires soient-elles, qui changeront fondamentalement le système. Les privatisations, la rentabilisation, les partenariats publics/privés, le respect de la concurrence « libre et non faussée », comme le proposait le TCE, portent en eux le respect des règles de « la vie des affaires » et en premier lieu le secret.

Ce n’est pas simplement la fraude qui est en question, c’est une partie de ce qui est aujourd’hui la règle. Il est légal d’exploiter, d’avoir des revenus du capital plus aisés, moins taxés que ceux du travail. Il est légal de récompenser par des primes des dirigeants même quand ils ne remplissent pas leurs objectifs, quand pour le même motif le simple salarié subordonné serait sanctionné.

À l’opposé de ce modèle, il y a – et à chaque printemps le temps des cerises nous le rappelle – la Commune de Paris, le principe d’élection et de révocabilité des responsables politiques et administratifs, leur rémunération correspondant au maximum à celle des ouvriers qualifiés, la subordination du capital au travail, la subordination de l’argent aux besoins humains, le primat du contrôle démocratique et de la décision collective.

Ce modèle, cette utopie réaliste, quel qu’en soient les adaptations nécessaires au monde et aux techniques d’aujourd’hui, demeure une référence. Ce sont ces valeurs qui prospèrent à nouveau et qui permettent d’espérer et d’agir.

La lettre du mois d’avril