La Première Internationale aborde la question du travail coopératif pour la première fois à son congrès de Genève en 1866. Le rapport du conseil central énonce les principes généraux suivants :

« a) Nous reconnaissons le mouvement coopératif comme une des forces transformatrices de la société présente, basée sur l’antagonisme des classes. Leur grand mérite est de montrer pratiquement que le système actuel de subordination du travail au capital, despotique et paupérisateur, peut être supplanté par le système républicain de l’association de producteurs libres et égaux.

b) Mais le mouvement coopératif, limité aux formes microscopiques de développement que peuvent produire par leurs combinaisons des esclaves individuels salariés, est impuissant à transformer lui-même la société capitaliste. Pour convertir la production sociale en un large et harmonieux système de travail coopératif, des changements des conditions générales de la société ne seront jamais réalisés sans l’emploi des forces organisées de la société. Donc le pouvoir gouvernemental, arraché des mains des capitalistes et des propriétaires fonciers, doit être manié par les classes ouvrières elles-mêmes.

c) Nous recommandons aux ouvriers d’encourager la coopération de production plutôt que la coopération de consommation. Celle-ci touchant seulement la surface du système économique actuel, l’autre l’attaquant dans sa base.

d) Nous recommandons à toutes les sociétés coopératives de consacrer une partie de leurs fonds à la propagande de leurs principes, de prendre l’initiative de nouvelles sociétés coopératives de production et de faire cette propagande aussi bien par la parole que par la presse.

e) Dans le but d’empêcher les sociétés coopératives de dégénérer dans les sociétés ordinaires bourgeoises (sociétés de commandite), tout ouvrier employé doit recevoir le même salaire, associé ou non. Comme compromis, purement temporaire, nous consentons à admettre un bénéfice très minime aux sociétaires. »

Les conceptions de l’Internationale sur la coopération de production et la gestion en général de l’économie collective sont discutées et développées au congrès de Lausanne (1867) qui adopte une motion invitant les membres de l’Internationale à « user de leur influence pour amener les sociétés de métier à appliquer leurs fonds à la coopération de production, comme le meilleur moyen d’utiliser, dans le but de l’émancipation des classes ouvrières, le crédit qu’elles donnent maintenant à la classe moyenne et aux gouvernements. Celles de ces sociétés qui ne croiraient pas à propos de consacrer leurs fonds à former des établissements coopératifs pour leur propre compte, devraient employer ces fonds à faciliter l’établissement de la coopération productive en général et faire leurs efforts pour établir un système de crédit national proportionnel aux moyens de ceux qui réclameraient son aide indépendamment des valeurs métalliques, et à établir un système de banques coopératives ».

Le congrès aborde aussi la discussion sur la façon de gérer les « moyens de transport et de circulation » et recommande que « les efforts des nations » tendent « à rendre l’État propriétaire » de ces moyens. Sur proposition du délégué de Bruxelles, il est décidé d’approfondir la question lors du prochain congrès de l’Internationale en la posant dans les termes suivants : « Le sol, les canaux, les routes, chemins de fer, etc., doivent-ils être propriété sociale ou propriété individuelle ? Et comment devraient-ils être exploités pour le plus avantage de l’individu et de la collectivité ? » Au cours de la discussion, le délégué français précise : « À propos donc de l’organisation par l’État [c’est-à-dire selon lui, de la “communauté des citoyens”] des chemins de fer, canaux, mines et services publics, il est bien entendu que ces services ne seront pas administrés par des fonctionnaires de l’État, mais seront construits, exploités ou administrés par des compagnies ouvrières, qui seraient chargées de livrer leurs services au prix de revient, sans pouvoir faire de bénéfices, c’est-à-dire soumises au principe général de mutualisme. »