À Prague deux articles rendent compte de l’actualité de l’autogestion (I).

 

  1. I. ESPAGNE : UTOPIE COMMUNISTE DANS UNE COMMUNE D’ANDALOUSIE par Petr Podanÿ in Tyden, Prague, 10 juillet 2012, traduit par V. CI. F.

Les utopistes communistes adoreraient Juan Manuel Sanchez Gordillo au premier regard, avec sa barbe et son keffieh palestinien. Monsieur le maire Gordillo n’a pas qu’une ressemblance physique avec Karl Marx car il gère sa commune selon les principes communistes. Il a confié à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel que dans sa commune chômage et hypothèque sont des mots inconnus.

Les murs des maisons à Marinaleda sont décorés d’affiches telles que « Sur le chemin de l’utopie ». Jusqu’au blason de la commune qui comporte la devise « L’utopie sur le chemin de la paix ». Le miracle de Marinaleda a ses racines dans le début des années quatre vingt quand les ouvriers agricoles ont occupé la grande propriété terrienne ou « finca » d’un aristocrate qui vit à Madrid. Certes, ils ont été expulsés par la police mais les occupations de ce domaine de 125 hectares se sont reproduites sans discontinuer et il y a même eu une grève de la faim de ces travailleurs. C’est justement Gordillo qui a pris la tête du mouvement. Le gouvernement régional d’Andalousie a fini par exproprier l’aristocrate et à remis la propriété à la commune.

Depuis cette période, ce domaine est géré par une coopérative. Toutes les décisions importantes sont prises en assemblées générales. Les habitants fixent eux-mêmes le montant de leurs impôts et la destination de chaque poste de leur budget communal. Les ouvriers agricoles sont payés 47 euros pour 6 heures de travail ; le reste va dans les caisses municipales. Grâce à cela, cette commune de trois mille habitants a plusieurs installations sportives, un grand parc et toute une série d’espaces verts. Ailleurs, les gens croulent sous le poids des hypothèques, ici c’est la commune qui les fournit à ses administrés. Quand on construit une maison, le remboursement des matériaux est de 15 euros par mois sur des dizaines d’années. Les maisons sont construites avec l’aide des voisins. Gordillo est fier de préciser que c’est ainsi que 350 habitations ont vu le jour.

Pour convaincre les autres, il paie d’exemple. I1 n’a pas de voiture, bien qu’il soit également élu au parlement andalou. Il exerce ses fonctions bénévolement. Les gens lui font confiance et l’estiment. Lui-même travaille sans cesse pour la cause révolutionnaire. Sur la maison des associations, on voit l’inscription « Un autre monde est possible ». Mais Hipolito Aires, propriétaire d’une station service, membre du parti socialiste (PSOE) et l’un des deux élus d’opposition au conseil municipal, affirme que tout n’est pas aussi rose que le prétend Gordillo. Il y aurait 10% de chômeurs (alors qu’il y en a presque 24% au niveau national). Il faut dire que les subventions de l’Union Européenne aident aussi la commune à rester solvable.

Cependant, Gordillo fait remarquer que l’une des femmes les plus riches d’Espagne, la duchesse d’Albe reçoit des subventions autrement plus considérables de Bruxelles. Les subventions qu’elle touche pour la semaison ne servent pourtant à rien car elle laisse les récoltes pourrir sur place en ses vastes propriétés.

Aussi, la lutte pour un monde meilleur continue-t-elle en Andalousie. Et même ailleurs en Espagne, les ouvriers agricoles se préparent à occuper les terres qui restent en friche.