Rien n’est jamais joué à l’avance mais, à la fin mars, les sondages dessinent trois événements : une défaite de Nicolas Sarkozy, un Front national qui resterait contenu et une gauche radicale émergente capable de jouer les premiers rôles.

Si les candidats de gauche évoquent l’alternative que constituent les Scop, il reste beaucoup à faire pour que l’autogestion devienne un mot d’ordre généralisé. Si la victoire de la gauche se confirmait au deuxième tour, cette séquence électorale marquerait une inflexion forte dans les luttes sociales qui suivraient.

Depuis des années, les salariés français (et européens) encaissent recul sur recul : la retraite, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, des plans sociaux pour augmenter les profits, la destruction systématique des services publics et particulièrement celui de l’emploi et de la santé, la modification de points majeurs du droit du travail, etc. Tous ces reculs ont été ponctués par des luttes, parfois puissantes, mais le manque de perspectives politiques et la faiblesse des alternatives n’ont pas permis d’aboutir.

Les dernières années ont vu se conjuguer désindustrialisation et reculs, mais elles ont aussi été riches en prises de conscience et en recherches d’alternatives. Jamais un tel divorce entre la population et ses dirigeants n’a été aussi profond. La prise de conscience que la démocratie a été bafouée par l’adoption du Traité de Lisbonne en lieu et place du TCE rejeté par référendum est forte. L’état de la crise économique, financière et écologique sur toute la planète, la crise des dettes souveraines en Europe, l’exemple de la situation en Grèce, bientôt en Espagne et en Italie accentue le sentiment d’un système « à bout de souffle ».

De multiples expériences autogérées ont vu le jour sur le terrain de l’écologie ou du lien social. Le mouvement des SCOP n’a jamais été aussi fort et le mouvement d’auto-organisation autour des AMAP pour une alimentation saine s’est considérablement renforcé. Alors que les salariés de 2009 étaient dos au mur pour négocier au mieux la fermeture de leurs usines, de multiples projets de reprises d’entreprises fleurissent en ce début d’année 2012 : FraLib, SeaFrance, Helio-Corbeil, Inter-59 (ex Paru-Vendu/Comareg)…

Ces projets n’ont pas émergé sur un terreau naturellement autogestionnaire mais comme une réponse concrète pour conserver des emplois. A ce sujet, notons que le MEDEF rencontrait le mardi 20 mars les syndicats pour obtenir que des accords de baisse de rémunération contre le maintien des emplois soient opposables aux contrats de travail. Devant la levée de boucliers de l’ensemble des syndicats face à une telle mesure, le MEDEF s’est retranché sur une autre ligne de négociation : une entreprise devra certes rechercher l’accord de chaque salarié mais en cas de refus de celui-ci, l’entreprise pourra alors procéder à son licenciement. « C’est une mascarade. Le patronat veut généraliser le chantage à l’emploi tout en le sécurisant juridiquement », dénonce Maurad Rabhi de la CGT. En cette période de crise dans laquelle le « coût » du travail est quotidiennement pointé du doigt, le patronat cherche à transférer le risque de l’entreprise vers le salarié : les profits sont sécurisés alors que les salaires deviennent une variable d’ajustement. On le sait, ce sont les profits et les dividendes qui donnent une valeur à une entreprise : en garantissant ceux-ci par des salaires variables, on revalorise les entreprises et … on éloigne la perspective d’une reprise de l’entreprise par les salariés.

Mais les salariés ont inversé la proposition : si les salariés doivent assumer désormais le risque de l’entreprise, pourquoi ne la dirigeraient-ils pas ? C’est le sens de la réponse des Scop. Le patronat se refuse à l’entendre car c’est son pouvoir même qui est en jeu.

Pour autant, la reprise d’une entreprise par ses salariés en coopérative est loin d’être LA solution miracle à tous les problèmes mais on ne peut qu’apprécier les déclarations des candidats de gauche à la Présidentielle en faveur des reprises d’entreprises. Mais il faudra aussi voir prochainement émerger des propositions économiques crédibles permettant de sécuriser les revenus des travailleurs d’entreprises autogérées. Vaste débat qui s’annonce et qui n’a pas encore été abordé…

Le futur président ne devrait bénéficier d’aucun état de grâce et de multiples revendications s’exprimeront et devront être satisfaites au-delà du programme affiché : sur l’emploi, les revenus, les services publics, revendications qui poseront la question de la légitimité du capital.

La lettre du mois d’avril